Anne Le Troter

« T’as pris mon corps pour un lit ? ». L’interpellation est cocasse. L’ensemble des paroles prononcées dans la boucle sonore d’Anne Le Troter est tout aussi cinglant. Ça fuse dans tous les sens pendant vingt-cinq minutes, laissant un infime répit au visiteur. Juste le temps de reprendre son souffle et de se laisser emporter à nouveau par cette vague verbale, qui charrie avec elle l’histoire de l’association du carnet de santé créée par Louise Hervieu. L’œuvre pas uniquement sonore, mais bien protéiforme, a été conçue spécifiquement pour la bourse de recherche ADAGP – Bétonsalon, consacrée au fonds Marc Vaux. Lauréate en 2021, Anne Le Troter a affirmé la singularité de sa démarche : celle de ne pas traiter l’archive photographique de Marc Vaux comme une matière visuelle, mais plutôt d’en extraire des voix et des récits parcellaires, qu’elle recompose dans une pièce radiophonique inédite. De l’évènement haché de la création de l’Association Louise Hervieu pour l’établissement du carnet de santé, le 11 décembre 1937, Anne Le Troter reconstitue fictivement les dialogues, qu’elle réactualise à l’aune de nos problématiques contemporaines. L’artiste s’est amusée à jouer avec un texte à trou, celui d’une réalité historique qui s’est diluée au fil du temps, qu’elle agrémente d’un imaginaire facétieux et entrecoupe d’histoires personnelles des artistes lui ayant prêté leur voix pour cette boucle sonore. Cette aventure collective du carnet de santé est une note de bas de page dans l’histoire de la santé en France, qui pose de façon pourtant peu anecdotique les questions du parcours de soin individuel ou encore celle de l’emprise – ou non – de la médecine sur les corps privés. (...)

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Lien de l'exposition, Bétonsalon, Paris