Mathieu Kleyebe Abonnenc

L’exposition monographique de Mathieu Kleyebe Abonnenc est une capsule spatio-temporelle, qui, au gré d’allers-retours poétiques, guide regard et imagination vers la Caraïbe, ses légendes, son histoire coloniale ou, encore, la richesse de sa faune et sa flore.

Ici, c’est un rassemblement d’indices et d’artefacts qui reconstituent par synecdoque la maison d’un ancien orpailleur sur les rives du fleuve Maroni, acquise par la mère de l’artiste. Là, c’est une plongée sonore dans la forêt amazonienne avec l’installation The Music of living landscapes, composée en collaboration avec Thomas Tilly. Une cosmogonie se dessine au fil de l’exposition, alternant entre mythes et événements historiques, entremêlant les récits et les images. La transformation du corps de Betty Tchomanga par la chorégraphie de Limbé, prises 1 et 2, évoque la figure d’Anansi, personnage incontournable du folklore d’Afrique de l’Ouest et de la Caraïbe. La capture et l’exécution de l’empereur inca Atahualpa ont inspiré le titre des deux peintures rouges, réalisées par l’application de tempera et de cinabre sur du cuivre. L’artiste tisse un réseau complexe entre historicité et fiction, par des liens croisés, des résonnances et des échos entre chaque œuvre et la charge historique qui se dévoile dans leur sillage. La révélation se fait de la lumière à l’ombre, en passant d’un espace baigné de lumière à une obscurité presque totale, de l’apparence poétique à l’épaisseur métaphysique et existentielle, puisque les œuvres agissent comme des boîtes de pandore. Concentrées d’histoires, elles offrent des lectures polyphoniques. La série de pièces qui composent Le Veilleur de nuit. Pour Wilson Harris, faites avec des carapaces de tortues de mer dans lesquelles a été versé du gallium, convoquent la mythologie précolombienne, par la référence à des déités comme Quetzalcóatl et Tezcatlipoca. Elles l’articulent avec l’extraction aurifère de la Guyane, puisque le gallium rappelle le mercure qui agglomérait les particules d’or, et que la carapace suggère la batée, tamis utilisé par les chercheurs d’or. À cela s’ajoute la dénonciation de l’exploitation et de la mise en danger des espèces animales : les carapaces présentent en effet les marques violentes de couteaux ayant délogé la tortue, chassée pour sa chair. Par des rebonds successifs, Mathieu Kleyebe Abonnenc explore les marges de l’histoire coloniale, nous faisant saisir les mécanismes enchâssés de la domination qu’elle a installée, enfermant les êtres humains et non-humains dans un système verrouillé et auto-alimenté. (...)

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lien de l'exposition, Le Crédac