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Sur l'envers

Expositions - Exposition Passée

Orange Rouge, saison 2022-2023

15.02.24 - 09.03.24 à Poush, Aubervilliers

Selon la notion historiographique définie par la médiéviste Barbara Rosenwein – telle que la société est un agrégat et croisement de groupes sociaux, qui parfois sans même se connaître, partagent des valeurs et des modes d’expression émotionnels – l’équipée d’Orange Rouge pourrait être considérée comme une communauté émotionnelle, éphémère et constellée. Les vingt groupes d’artistes-adolescent·es ne se sont jamais rencontré·es, mais pendant une année, mû·es par l’aventure de création d’une œuvre collective, ils et elles ont traversé des expériences émotionnelles similaires, exprimées ou expérimentées plastiquement : la joie, la surprise, le doute, l’émerveillement, l’ennui, la fierté, la frustration … Un défilé d’émotions qui aura infusé les moments partagés et gravite autour des formes créées comme une aura. Une palette de couleurs vécues qui pourraient composer un nuancier de saison.   Les dates de l’exposition Sur l’envers correspondent à celles de la Fashion Week de Paris « Automne/Hiver », semaine de toutes les extravagances, pendant laquelle les maisons de couture se disputent des lieux de plus en plus insolites pour présenter leurs collections. Après le passage d’Emily in Paris dans une ancienne usine de Romainville, les bâtiments industriels, comme l’est le site de Poush, suscitent l’intérêt des scénographes de défilé. S’amusant de cette coïncidence de calendrier, et s’inspirant des vingt œuvres créées pour la saison, dont les tonalités sont tour à tour celles de la parade et du refuge, l’exposition est pensée comme un reflet inversé d’un défilé de la Fashion Week, où chaque paramètre emblématique se retrouve subverti par les œuvres et leur disposition. Elle s’approprie librement et métaphoriquement la binarité symbolique et architecturale qui oppose le catwalk et le backstage. Le podium, d’un côté, cette piste surélevée, centre de l’attention, lieu d’émerveillements, d’envies, scène de la représentation ; de l’autre, les coulisses, lieu d’essayage, d’attente, de préparation, de confidences.   Face : des costumes, masques, robots, œuvres-banquets, les gestes répétés d’un·e conducteurice de bus, des alter-ego immortalisé·es sur diapositives … Sous les feux de la rampe, les œuvres nous rassemblent et s’exhibent sous nos yeux, joyeuses et généreuses, prennent la pose, concentrées et réceptacles d’émotions. Pile : des jeux revisités, modes d’emploi chorégraphiés, chambres en dioramas, tapis en Queelt, une serviette aux motifs hawaïens qui sèche, un groupe de scientifiques qui s’évadent. Ici dans l’ombre des coulisses, des carnets de dessins préparatoires ont remplacé les face-chart sur lesquels les Make-Up artists testent leurs couleurs. De ce côté de la piste, de l’avant-scène, on découvre des œuvres plus intimes, qui proposent des récréations ou des ressourcements. Elles nous invitent à prendre le temps, à sortir de la marche rapide, à dépasser les sept minutes quasi réglementaires des défilés.   Ici pas de navette spatiale qui décolle[1], de tempête de neige[2], ou de champs de lavande[3] mais le décor brut d’anciennes cuves industrielles. Le Genius Loci s’est glissé dans les aspérités et restes du passé et vient rencontrer la magie de la création collective.  L’architecture porte les traces de gestes, des procédés techniques déployés par la création des parfums, le traitement des matières et éléments chimiques. Les œuvres présentées ont, elles aussi, été façonnées par un chœur de mains, se croisant par l’apprentissage de techniques comme la céramique, la sérigraphie, le modelage, la photographie, la teinture végétale, l’enregistrement sonore … Pas de front-row non plus, mais quelques chaises éparpillées qui deviennent support de consultation pour les formes éditoriales créées, sorte de show-note laissées par les artistes. Tout au long de l’année scolaire, les artistes et les adolescent·es ont tissé des liens, cousu sur l’envers une trame que l’exposition rend visible. Les visiteureuses peuvent maintenant parcourir l’espace selon un aller-retour, se déplaçant d’œuvres en œuvres, allant à la rencontre des histoires encapsulées dans chacune d’elles, et en deviner la charge émotionnelle. Leurs déambulations deviennent au fil de l’exposition, une couture, qui serpente et assemble. Un patchwork retourné à l’endroit qui se fait dans le regard et l’expérience du·de lae visiteureuse, par laequel·les les points de cette constellation émotionnelle Rouge Orangée sont enfin reliés.   L’édition qui accompagne cette saison, confectionnée par le duo graphique s.y.n.d.i.c.a.t, est une publication-prête-à-porter, un objet éditorial qui une fois déplié devient un élément de costumer à enfiler, seul·e ou à plusieurs.


[1] Chanel, Chanel Ground Control, Automne/Hiver, 2017
[2] Balanciaga, Automne/Hiver 2022
[3] Jacquemus, Printemps/Été, 2019

Artistes invités :
Olivier BEMER, Collège Beau Soleil à Chelles (77)
Fériel BOUSHAKI, Collège Dora Maar à Saint Denis (93)
Théo CASCIANI, Collège Françoise Dolto à Paris (20e)
Clément COURGEON, Collège Jean Lolive à Pantin (93)
Hilary GALBREAITH, EREA Alexandre Dumas à Paris (15e)
Eva GERSON, Collège Jean Vilar à Villetaneuse (93)
Marie GLAIZE, Collège Pierre Mendès France à Paris (20e)
Thomas GUILLEMET, Collège Jules Michelet à Saint Ouen (93)
Coline HÉGRON, Collège Suzanne Lacore à Paris (19e)
Paul HEINTZ, Collège Beaumarchais à Meaux (77)
Boris KURDI, Collège Nicolas Tronchon à Saint Soupplets (77)
Aëla MAÏ CABEL, Collège La Maillière à Lognes (77)
Leticia MARTÍNEZ PÉREZ, IME Les Moulins Gémeaux à Saint-Denis et EHPAD Ma Maison Petites Sœurs des Pauvres à Saint-Denis (93)
Gabriel MORAES AQUINO, Collège Denecourt à Bois-le-Roi (77)
Pierre-Alain POIRIER, Collège Jean Wiener à Champs-sur-Marne (77)
Alexandra ROUSSOPOULOS, Collège République à Bobigny (93)
Julie SAVOYE, Collège Daniel Mayer à Paris (18e)
Karla TOBÓN PUMARADA, Collège Beaumarchais à Meaux (77)
Mélanie YVON, Collège René Goscinny à Vaires-sur-Marne (77)
Eva ZORNIO, Collège George Braque à Paris (13e)

Studio graphique associé pour l'édition : Syndicat

Orange Rouge provoque la rencontre insolite entre des adolescents en situation de handicap et des artistes contemporains à travers la réalisation d’une œuvre collective. Cette expérience unique bouscule les codes artistiques et éducatifs ; elle révèle les talents et les personnalités des adolescents. Présentée au grand public lors d’une exposition, l’œuvre collective concrétise et fait rayonner l’engagement de toutes les parties prenantes : adolescents, artistes, familles, enseignants et partenaires.